HIMALAYENNE (CHAÎNE)

HIMALAYENNE (CHAÎNE)
HIMALAYENNE (CHAÎNE)

Exceptionnelle par son altitude – beaucoup de ses sommets dépassent 8 000 m –, la chaîne himalayenne est également exceptionnelle sur le plan géologique. Elle représente la chaîne de collision type [cf. CHAÎNES DE MONTAGNES (typologie)], dont il n’existe actuellement sur le globe aucun autre équivalent. On ne connaît nulle part ailleurs d’entailles d’érosion aussi importantes qui permettent d’étudier dans d’excellentes conditions la partie profonde de charriages eux aussi exceptionnels par leur extension et par leur amplitude. De plus, le contexte global de cette chaîne apparaît plus simple et plus clair que partout ailleurs.

Dans ces conditions, on comprend que, malgré de grandes difficultés d’accès, cette chaîne ait depuis longtemps attiré les géologues de tous pays. Ils accompagnèrent d’abord les expéditions d’alpinistes, puis s’organisèrent peu à peu de façon indépendante. Actuellement, les études géologiques s’y poursuivent activement à une échelle internationale. En particulier du côté tibétain, qui resta longtemps inaccessible, de nombreuses recherches ont été entreprises par les géologues chinois puis par des équipes franco-chinoises dans le cadre d’un programme de coopération scientifique.

La plupart des sommets de plus de 7 000 mètres se trouvent dans la Haute Chaîne, en forme d’arc, qui domine sur 2 000 kilomètres les basses plaines du Gange, au nord du continent indien; de fait, cette Haute Chaîne appartient encore, géologiquement, à la bordure nord, intensivement déformée, de ce continent (fig. 1).

Cependant, d’autres sommets d’altitudes comparables se trouvent dans un contexte tout à fait différent. Ils sont situés au nord de la suture océanique de l’Indus-Tsang-po, qui marque la limite septentrionale du continent indien. C’est le cas du Karakoram, où se trouve le K2 (Chogori, 8 611 m), et du sud du Tibet, dans ce qu’on appelle parfois le Transhimalaya. L’Himalaya compris au sens large s’étend donc sur plusieurs unités géologiques; cela nécessite de le replacer dans le cadre général du sud-est de l’Asie.

1. L’Himalaya et la tectonique des plaques

La collision Inde-Asie

On sait maintenant avec certitude que le continent indien ne s’est accolé à l’Asie qu’à une époque relativement récente, il y a 40 à 45 millions d’années; on connaît aussi les grandes lignes de l’histoire de ce continent avant qu’il n’entre en collision avec l’Asie.

Il y a 85 millions d’années, l’Inde appartenait encore à un grand continent méridional, le Gondwana, qui comprenait aussi l’Afrique, l’Antarctique et l’Australie; elle était alors séparée de l’Asie par un océan de 6 000 kilomètres de large, appelé la Néotéthys.

Le continent méridional s’est ensuite disloqué: l’Antarctique, l’Australie et l’Inde se sont séparées de l’Afrique, créant un nouvel océan, qui, en s’agrandissant, formera l’océan Indien actuel.

Après s’être séparée de l’Afrique, vers 漣 85 Ma, l’Inde s’est déplacée vers le nord à une vitesse de plus de 10 centimètres par an (c’est-à-dire plus de 1 000 km en 10 millions d’années!). L’Asie étant restée à peu près stable en latitude, cela implique que la Néotéthys a diminué de largeur au fur et à mesure que l’Inde a migré vers le nord (fig. 2). Ce rétrécissement n’a été possible que grâce au fonctionnement de plusieurs zones de subduction situées au sud de l’Asie de l’époque (fig. 3 c). L’une d’elles se situait à sa bordure sud, où se formait une chaîne de type andin (fig. 3 c) actuellement située au Sud-Tibet. Une autre subduction fonctionnait aussi au sud d’un arc volcanique intra-océanique, qui correspond actuellement à ce qu’on appelle l’arc de Kohist n (nord du Pakistan) et du Ladakh (nord du Cachemire). Il est probable que, vers 漣 60 à 漣 70 Ma, la bordure nord de l’Inde fut déjà entraînée dans cette subduction intra-océanique, ce qui provoqua une obduction avec charriages de roches océaniques et une première déformation du nord de l’Inde (fig. 3 c).

Mais c’est seulement vers 漣 50 Ma que la collision Inde-Asie commence en fait à se produire. Compte tenu des formes non complémentaires des deux continents, elle fut sans doute plus précoce à l’ouest qu’à l’est et ne fut vraisemblablement totalement réalisée que vers 漣 40 Ma. Les domaines océaniques compris entre l’Inde et l’Asie ont alors totalement disparu. Dans ce qui correspond actuellement aux sutures entre l’Inde et l’Asie, il ne subsiste plus que des lambeaux de croûte océanique de la Néotéthys, qui apparaissent sous forme de roches appelées ophiolites. C’est seulement à partir de ce moment que la partie nord du continent indien commence à se déformer de façon intense; la chaîne himalayenne se forme peu à peu; depuis, elle n’a cessé de s’étendre et, à l’époque actuelle, elle n’est encore qu’un stade dans une évolution qui va probablement se poursuivre encore pendant plusieurs dizaines de millions d’années.

La collision ne provoque pas seulement la déformation du nord du continent indien; le continent asiatique, embouti par l’Inde, subit lui aussi des déformations qui, avec le temps, sont devenues de plus en plus importantes, et qui ont affecté un domaine de plus en plus grand. En fait, la croûte continentale indienne s’enfonce sous l’arc du Kohist n et du Ladakh, sous le Karakoram et sous le Tibet, provoquant de grands bouleversements qui gagnent progressivement des territoires plus septentrionaux.

On considère actuellement que c’est l’enfoncement de l’Inde dans l’Asie qui est en définitive responsable de la formation du Pamir (qui culmine à 7 495 m), de la surrection du Tibet (dont l’altitude moyenne est d’environ 5 000 m), de la formation, plus au nord encore, de la chaîne du Kunlunshan (qui culmine à 7 282 m), et enfin de la formation, à l’est, des chaînes qui s’étendent depuis le nord de l’Indochine et de la Birmanie jusqu’en Chine centrale, dans l’est de la province chinoise du Sichuan (où le Minya Konka, ou Gonggashan, atteint 7 590 m).

La surrection de toutes ces chaînes de montagnes intracontinentales, conséquence de la collision, a été accompagnée par le fonctionnement de grandes failles de décrochement, pouvant atteindre plus de 1 000 kilomètres de longueur, avec un rejet horizontal probable de plusieurs centaines de kilomètres. On a supposé que c’est grâce à de telles failles que l’Indochine a été expulsée vers le sud-est, le long de la faille de la Rivière Rouge et l’Afghanistan vers le sud-ouest, le long de la faille de Chaman (fig. 4), cette expulsion se faisant en quelque sorte au front d’un gigantesque poinçon indien qui a pénétré en force dans l’Asie entre 漣 50 et 漣 40 Ma (fig. 5), la déformant en grande partie. La chaîne himalayenne correspondrait ainsi à la partie frontale de ce poinçon (l’Inde); on comprend dans ces conditions que la déformation y soit particulièrement intense et spectaculaire.

L’histoire antécollision de l’Asie

Les parties de l’Asie qui ont progressivement subi les effets de la collision avaient déjà été le siège, avant cette collision, d’événements géologiques importants (fig. 3 a, 3 b, 3 c). Des chaînes d’âge secondaire s’y étaient déjà édifiées, qui ont été remodelées au Tertiaire par ce qu’on appelle la phase himalayenne. Cette histoire ancienne doit être rappelée, car elle a souvent fortement influencé l’évolution récente. On peut aisément remonter jusqu’à 漣 250 Ma. À cette époque, nous avons vu qu’il existait deux grands continents; au sud se trouvait le continent dit de Gondwana (comprenant l’Inde, l’Australie, l’Antarctique, l’Afrique et l’Amérique du Sud); au nord se trouvait le continent dit de la Laurasie, assez différent de l’Asie actuelle. Il faut, en effet, non seulement lui enlever le continent indien, mais aussi un ensemble de microcontinents qui, à l’époque, n’étaient pas encore accolés à l’Asie; il s’agit de ce qui correspond actuellement à l’Afghanistan, à une partie du Pamir, au Karakoram, au Tibet Nord et Sud (fig. 3 a, 3 b), à tout le domaine birman et indochinois, aux chaînes de l’est de la Chine, et peut-être même à toute la Chine du Sud. On peut en effet montrer que ces différents microcontinents se sont détachés du continent de Gondwana très tôt, dès le Permien sans doute, et sont venus s’accoler à une Paléo-Asie au cours du Secondaire, tout comme l’Inde l’a fait au Tertiaire. Une série de minicollisions se sont produites, qui ont formé une série de chaînes de montagnes. Celles-ci furent aussi précédées par des subductions et des obductions (cf. fig. 3 a, 3 b) qui ne se signalent plus que par des sutures ophiolitiques.

La figure 4 montre l’allure actuelle de ces différentes sutures et donne ainsi une idée de la géométrie des différents blocs qui sont venus s’accoler à la Paléo-Asie. La figure 3 montre à quelles vicissitudes ont été soumis tous les petits continents «migrateurs», avant la collision finale de l’Inde. D’une façon générale les sutures jalonnées d’ophiolites ont constitué des zones de faiblesses, lors de la forte mise sous contraintes due au «poinçonnement» de l’Inde; elles ont alors rejoué, et souvent de grands décrochements s’y sont installés.

2. Les roches de la chaîne himalayenne

Nous avons vu que l’ensemble de l’Himalaya est constitué par une croûte continentale, mais qu’on rencontre également dans les sutures ophiolitiques des restes de croûte océanique ou d’arc volcanique, et, localement, de manteau supérieur. Rappelons quelles sont les roches rencontrées dans ces différents cas, et quel est leur âge.

L’écorce continentale comprend toujours deux parties bien distinctes: d’une part, un socle très ancien, précambrien, équivalent du bouclier indien, où ont été identifiés de l’Archéen (plus de 2 500 Ma) et plusieurs chaînes protérozoïques; d’autre part, une couverture sédimentaire, parfois très épaisse (de l’ordre de 15 km), essentiellement formée de sédiments marins.

Il est possible que la couverture sédimentaire débute au Protérozoïque supérieur (correspondant au Sinien des auteurs chinois); elle se poursuit par le Paléozoïque, le Mésozoïque et une partie du Cénozoïque. Ces sédiments ont enregistré tous les grands événements qui se sont produits dans les différents microcontinents avant que ceux-ci soient accolés à l’Asie:

– dans tout le nord du continent indien (correspondant à la Haute Chaîne), la série stratigraphique reste assez homogène, avec d’épaisses séries de plate-forme, avec des calcaires néritiques et des grès; on admet que le sommet du Chomo-lungma (ou Everest, 8 848 m) est formé d’Ordovicien; dans le massif de l’Annapurna (8 078 m), toute la série est bien reconnue dans le Paléozoïque, depuis le Cambro-Ordovicien jusqu’au Permien, puis dans le Mésozoïque jusqu’au Crétacé inférieur; plus au nord, et localement, la série monte jusque dans l’Éocène moyen marin; au Cachemire, le Permien comporte d’importantes émissions basaltiques témoins d’une ancienne fissuration du continent de Gondwana (vers 漣 250 Ma);

– au Ladakh et au Tibet, on voit apparaître, à partir du Permo-Trias, des faciès différents; il ne s’agit plus de faciès peu profonds, mais de faciès de marge, puis de bassin subsident;
le Trias correspond à un épais flysch, le Crétacé devient profond et pélagique; ces faciès annoncent le passage du continent indien à la Néotéthys;

– au nord des sutures ophiolitiques péri-indiennes, dans le sud du Tibet et dans le Karakoram, on retrouve des séries paléozoïques comparables, mais les séries mésozoïques et cénozoïques sont très différentes; au Tibet, ce sont des séries continentales rouges et des séries calcaires, associées à un volcanisme calco-alcalin, caractéristique d’une chaîne de subduction de type andin d’âge crétacé.

La croûte océanique correspond aux ophiolites et à leur couverture sédimentaire. Elle est bien représentée le long de la suture du Tsang-po, au Tibet. On rencontre des péridotites, des gabbros, des dolérites et des basaltes, surmontés par des sédiments marins pélagiques et profonds, correspondant à des radiolarites et à des schistes d’âge crétacé.

La croûte de type intermédiaire , correspondant à l’arc volcanique de Kohist n, affleure dans des conditions exceptionnelles. On peut y observer, sur plus de 20 kilomètres d’épaisseur, une coupe probablement unique au monde. À partir de la base, on rencontre successivement des roches infracrustales ou du manteau supérieur, avec des péridotites, des granulites à pyroxène, puis des gabbros, des amphibolites, et enfin des coulées basaltiques, recouvertes de sédiments marins du Crétacé; plus haut, apparaissent des niveaux volcaniques subaériens.

Soit par leur faciès, soit par le champ magnétique terrestre qu’elles ont fossilisé (paléomagnétisme), toutes ces roches ont enregistré les événements qui se sont produits dans les différentes unités géologiques. On peut ainsi trouver dans le Paléozoïque supérieur de la Haute Chaîne des dépôts périglaciaires, déposés à une latitude très méridionale sur le continent de Gondwana. Le Crétacé franchement marin situé plus haut sur la même coupe s’est, par contre, déposé dans une mer déjà chaude, donc plus septentrionale, en voie d’approfondissement. Le Crétacé continental de même âge, situé aux environs de Lhasa, au nord de la suture du Tsang-po, s’est sédimenté dans un contexte encore plus septentrional, dans des conditions proches de celles régnant à l’équateur. C’est seulement dans les dépôts cénozoïques que l’on commence à trouver des paléolatitudes nord. Au pied de la chaîne, dans la région des Siw liks, se sont déposés d’épais dépôts tertiaires qui ont enregistré les différents stades d’agrandissement et de surrection de la chaîne. On comprend donc qu’en analysant la succession des sédiments dans différentes unités géologiques, on arrive, grâce à des études paléobiogéographiques et paléomagnétiques, à reconstituer les grandes lignes de l’évolution du sud-est de l’Asie et de la chaîne.

3. La structure de la chaîne

Le style de la déformation

La déformation de la chaîne himalayenne est caractérisée, pour l’essentiel, par l’existence de grands chevauchements qui cisaillent toute la croûte continentale. Ceux-ci font parfois remonter en surface le manteau supérieur, et leurs flèches dépassent couramment 100 kilomètres. Le style de la déformation associée varie considérablement.

Dans les parties profondes , la déformation est ductile, contemporaine d’un métamorphisme qui atteint le faciès amphibolite (avec du grenat, du disthène et de la sillimanite). Les roches sont alors transformées sur plusieurs kilomètres d’épaisseur en micaschistes et en gneiss, typiques de la Haute Chaîne. Ceux-ci sont caractérisés par une foliation et par une linéation d’allongement (direction d’étirement du matériau). Dans les sédiments sus-jacents moins métamorphisés, la foliation passe à une schistosité. Par contre, vers le bas, il arrive souvent que les roches les plus métamorphiques aient fondu; il se forme alors des granites clairs, particuliers, appelés leucogranites, qui se présentent en gros massifs (par exemple au Mak lu, 8 470 m, ou au Man slu, 8 125 m), ou bien apparaissent en filons généralement déformés par étirement («boudinage»).

Dans les parties plus superficielles , les séries sédimentaires sont plissées avec une intensité qui dépend de leur situation dans la chaîne et avec un style qui varie avec la nature des roches. Les plis les plus simples se trouvent au pied et en avant de la Haute Chaîne, dans les Siw liks, et dans leur prolongement au Pakistan. Là, les sédiments cénozoïques continentaux (comme ceux de couleur rouge de la région de Murree au Pakistan) qui ont été formés par suite de l’érosion de la chaîne en formation, sont affectés par des grands plis visibles sur des photographies prises par des satellites; ces plis sont jeunes (moins de 10 millions d’années) et ils continuent à se former. On retrouve des séries plissées, toujours bien visibles sur des photographies spatiales, au nord de la Haute Chaîne, au Tibet et au Ladakh, mais le plissement est beaucoup plus intense (une schistosité est souvent présente) et plus complexe. Il affecte des séries allant du Paléozoïque inférieur à l’Éocène; il est probablement polyphasé.

Entre ces deux régions plissées, la partie métamorphique de la chaîne est caractérisée par une absence apparente de plissement; en fait, celui-ci a un style très particulier, et il est masqué par le développement de la foliation; seuls des plis tardifs, tels ceux de l’Annapurna, déversés vers le nord, sont bien visibles.

Les grands chevauchements

La carte de la figure 6 et les coupes de la figure 7 montrent la géométrie d’ensemble de ces chevauchements. Si certains fonctionnent encore actuellement, la plupart, plus ou moins anciens, sont «fossiles». Sur la coupe transversale du Népal (fig. 7 d), on peut assez bien préciser leurs époques de formation; ils sont d’autant plus jeunes qu’ils sont plus méridionaux. Cela correspond à la progression de la chaîne vers le sud après la collision. La plupart des grands chevauchements ont reçu une dénomination internationale que nous conservons ici (en anglais, chevauchement: thrust ).

Le Main Boundary Thrust (M.B.T.), situé au front de la chaîne, est considéré comme un grand chevauchement actif (fig. 7 b, c, d); il se manifeste périodiquement par des tremblements de terres catastrophiques, accompagnés par des ruptures de surface en faille inverse. Il a provoqué le plissement des dépôts récents des Siw liks. On considère qu’il se prolonge à grande profondeur, où, en raison de la température, la déformation devient ductile, et, par conséquent, son fonctionnement devient asismique.

Le Main Central Thrust (M.C.T.) qui apparaît au cœur même de la chaîne (fig. 7 b, c, d) est sans conteste le plus beau chevauchement connu. Il amène des terrains très métamorphiques (gneiss et micaschistes) sur des terrains schisteux, beaucoup moins métamorphiques, du moyen Himalaya. Il est particulièrement spectaculaire sur les flancs du massif de l’Annapurna. La région de K tm ndu, au Népal, appartient à une spectaculaire «klippe» liée à ce chevauchement; celui-ci permet de montrer que la flèche du M.C.T. dépasse 100 kilomètres. Le M.C.T. a probablement fonctionné entre 漣 25 et 漣 15 Ma.

Le Main Mantle Thrust (M.M.T.) a été défini au Pakistan (fig. 7 a) au front de l’arc du Kohist n. Il amène des roches du manteau (péridotites) et de la croûte inférieure (granulites) sur le continent indien qui est extrêmement déformé, en particulier dans la région du N nga Parbat (8 125 m); là le M.M.T. est replissé tardivement en un immense anticlinal. La flèche du M.M.T. est de plus de 100 kilomètres; l’âge de fonctionnement se situe vraisemblablement entre 漣 70 et 漣 50 Ma.

Le chevauchement du Tsang-po (fig. 7 d) correspond à l’obduction qui a fait avancer les ophiolites sur la bordure nord du continent indien, probablement vers 漣 60 à 漣 70 Ma. Il a été très «défiguré» par des plis et par des failles ultérieurs. À Amlang La, dans l’Himalaya indien, au nord de la Nanda Devi (7 820 m), une belle klippe d’ophiolites se raccorde à ce chevauchement.

Le Main Karakorum Thrust (M.K.T.) et, plus à l’est, le chevauchement sud-tibétain , ou South Tibetan Thrust (S.T.T.), correspondent au chevauchement des blocs continentaux asiatiques, sur l’arc du Kohist n et sur les ophiolites de la suture de la Shyok, et de la suture du Tsang-po. Sa flèche dépasse probablement encore 100 kilomètres. D’importants décrochements tardifs (D, sur les coupes de la fig. 7) se sont généralement superposés à ces chevauchements qui ne sont bien visibles que tout à l’est, au nord du Namcha Barwa (7 755 m).

Les rétrocharriages

À l’inverse des charriages précédents, qui se faisaient vers le sud, les rétrocharriages se produisent vers le nord (d’où leur nom). Ils sont toujours récents et souvent associés à des décrochements. Les plus beaux exemples se trouvent au Ladakh (fig. 7 b), où le continent indien «rétro-chevauche» des ophiolites; le long du Tsang-po, au Tibet (fig. 7 d), on trouve également des rétrocharriages tardifs mais moins importants.

Les décrochements

Les décrochements caractérisent essentiellement, comme nous l’avons vu, les domaines situés au nord de l’Himalaya. Il en existe cependant déjà dans la partie nord de la Haute Chaîne; c’est le cas de la faille du Karakoram et du décrochement du Tsang-po (fig. 6).

Le relief et les caractères tectoniques exceptionnels de l’Himalaya sont manifestement dus:

– en premier lieu, à la grande dimension du continent indien qui est venu emboutir, par collision, l’Asie sur 2 000 kilomètres;

– en second lieu, à la vitesse élevée (à l’échelle géologique) avec laquelle s’est produit ce phénomène (plus de 10 cm/an avant la collision ou de l’ordre de 5 cm/an après).

Ces deux caractéristiques montrent que le problème de l’originalité de cette chaîne doit être abordé à l’échelle des plaques lithosphériques et des mécanismes profonds, mantelliques, qui sont à l’origine de leur déplacement. À cette échelle, il faut souligner que, dans cette partie du globe, se produit depuis au moins 200 millions d’années, un phénomène profond quasi permanent. La Paléo-Asie, puis l’Asie sont restées relativement fixes; par contre, des blocs continentaux se sont successivement détachés du Gondwana grâce à la formation des rifts. En s’agrandissant, ces derniers sont devenus des océans de plus en plus larges grâce au fonctionnement de rides médio-océaniques (fig. 5). La formation de ces océans – la Paléotéthys puis les Mésotéthys, enfin la Néotéthys – a permis à ces blocs continentaux de s’éloigner du Gondwana et de migrer successivement vers le nord. L’ouverture d’un nouvel océan s’accompagne évidemment de la fermeture de l’océan plus ancien situé entre l’Asie (de l’époque) et le bloc continental d’origine gondwanienne en migration. Ces fermetures successives se sont probablement réalisées entre 漣 200 et 漣 50 Ma, par enfoncement de la lithosphère océanique sous l’Asie le long
de zones de subduction à pendage nord. Ce phénomène a parfois été perturbé par des minicollisions qui ont freiné cet enfoncement; depuis 40 millions d’années, ce freinage est important, puisque la vitesse de convergence est passée de 10 cm/an à 5 cm/an. Un phénomène quasi permanent d’une telle ampleur doit nécessairement avoir des conséquences, à l’échelle de la lithosphère et à l’échelle de l’écorce continentale au nord de l’Himalaya, sous le Tibet. Là, l’écorce continentale a une épaisseur en moyenne double (de 60 à 70 km) de l’épaisseur d’une écorce normale. On s’est d’abord demandé s’il n’existait pas sous tout le Tibet deux écorces continentales superposées et séparées par une gigantesque faille plate, la partie inférieure de l’écorce appartenant au continent indien et la partie supérieure de l’écorce appartenant au continent asiatique. Dans cette hypothèse, le continent indien se poursuivrait en profondeur jusqu’au nord du Tibet et il faudrait ajouter 1 000 kilomètres à ses limites actuelles pour obtenir sa forme originelle ! Une autre solution, plus vraisemblable, consiste à supposer que le doublement de l’écorce ne s’est pas fait par une seule faille de chevauchement plate, mais par une multitude de failles inclinées au nord, et donc analogues à tous les grands chevauchements examinés plus haut, comme le M.C.T. et le M.B.T. Comme il existait déjà des chaînes importantes au Tibet avant la collision himalayenne, une partie au moins de l’épaississement crustal du Tibet pourrait être le résultat de chevauchements analogues mais dus aux collisions plus anciennes des microcontinents dont nous avons parlé plus haut; le débat reste ouvert, mais les profils sismiques donnant la structure profonde de l’écorce, tels ceux réalisés par des équipes franco-chinoises au Tibet, apporteront sans aucun doute des résultats décisifs à la solution de ce problème.

Quoi qu’il en soit, au moins dans le cas de l’Himalaya et du Tibet, il faut déjà admettre qu’il se produit depuis 40 millions d’années une véritable subduction de la lithosphère continentale. Puisque l’écorce continentale est trop légère pour être entraînée en profondeur dans le manteau, il est probable qu’elle se détache de la partie profonde de la lithosphère et «surnage», en s’épaississant, au-dessus de zones de subductions intracontinentales profondes, lesquelles restent encore, il faut le dire, hypothétiques (fig. 8).

L’étude de l’Himalaya permet ainsi de proposer l’existence d’un type nouveau de subduction, intracontinental, distinct des classiques subductions océaniques. La compréhension des mécanismes généraux de formation de l’Himalaya aura des conséquences aussi sur la compréhension de l’évolution de toute l’Asie du Sud-Est. Mais il reste un énorme travail à effectuer sur le terrain, dans un cadre souvent extraordinaire, mais aussi dans des conditions particulièrement difficiles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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